Le Docteur Philippulus a mis le doigt sur quelque chose d’essentiel. Prétendre n’être ni gauche ni de droite parce qu’on va tout droit, c’est une manière de dire que l’on est de droite sans l’assumer. Ce n’est pas un hasard si les mots « droit » et « droite » sont de la même famille. Le droit chemin est une idée de droite. Et être de gauche, c’est justement introduire une rupture en prenant un autre chemin que ce « droit chemin » qui devient de fait le chemin de droite. Croire qu’il y a un droit chemin à suivre, c’est croire en une morale supposément évidente alors que cette morale est le produit d’une société donnée et qu’elle a donc été produite de manière à conforter l’ordre social.

Être de gauche, c’est au contraire considérer que la société, avec ses inégalités et ses relations de domination n’est pas tout à fait juste et à ce titre, vouloir la changer. Face à cela, la droite ne évidemment pas se réclamer le parti de défense des dominants et de l’injustice sociale. Elle va plutôt se proclamer le camp de la rigueur économique. Autrement dit, les lubies égalitaires de la gauche seraient contraires à une saine gestion de l’économie, voire menaceraient de ruiner le pays. Mais cela ne peut suffire. Qu’importe à un prolétaire que le pays soit prospère s’il ne peut lui-même profiter de cette prospérité ? Ce prolétaire insatisfait, la droite va alors l’accuser d’égoïsme car c’est bien de l’égoïsme en effet que d’être prêt à mettre en péril la santé économique du pays pour satisfaire son confort personnel. Si le prolétaire est en situation difficile, la droite aura tendance à lui dire que l’ordre social n’est pas en cause mais qu’il ne peut s’en prendre qu’à lui-même en raison de ses choix, de ses comportements et de son manque d’effort. Et si le prolétaire, plutôt que de se retrousser les manches, préfère accuser la société, il sera taxé non seulement d’égoïsme, mais aussi de paresse, voire d’envie. Tôt ou tard, la droite est amenée à donner des leçons de morale.

Bien sûr, cette morale peut être retournée contre les riches. Accuser d’immoralité les spéculateurs et les « patrons voyous », c’est une attitude qui n’est pas réservée aux personnalités de gauche. Et qui est même au bout du compte tout à fait de droite dans la mesure où donner des leçons de morale aux dominants, c’est tout autre chose qu’agir concrètement pour mettre fin à leur domination, ou du moins la réduire. Ces leçons de morale, les riches peuvent au pire les ignorer, au mieux y répondre par des actes sans dimension historique, comme financer des œuvres caritatives ou organiser des séminaires contre les discriminations dans leurs entreprises.

Quelque soit le statut social de ceux à qui on administre des leçons de morale, l’attitude moralisatrice n’est jamais une pratique de gauche. C’est une pratique essentiellement de droite et essentielle à la droite dans la mesure où la droite ne peut faire l’économie d’un discours moralisateur pour justifier les inégalités. La droite est donc purement et simplement le parti de l’ordre moral.

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Theme by Danetsoft and Danang Probo Sayekti inspired by Maksimer